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n° inventaire Mpo T - 124 - 9
Titre Ricochon
Titre de référence Le loup et les trois animaux dans leurs petites maisons
Responsabilité - Intervenant transcripteur :Branchu, Jacques  ; enquêteur :Delarue, Paul  ; informateur :Berthier, François
Date enregistrement-création 1 sept. 1942
Lieu d'enregistrement-création GLux-en-Glenne
Département Nièvre
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Transcription Il y avait une fois, au pied de la montagne du Beuvray, un petit fermier qui n’avait que de chétives terres. Et il gagnait si peu qu’il avait bien du mal à monter sa basse-cour. À force de travail, il avait tout de même pu s’acheter à la fin de la première année une petite cane ; à la fin de la deuxième année, une petite oie, et à la fin de la troisième année un petit cochon ; et celui-ci était si malin qu’on l’appelait Ricochon. Les trois bêtes couchaient ensemble et s’entendaient très bien. Mais à la fin de l’année suivante, comme le fermier avait acheté un bout de terre qui lui faisait envie depuis longtemps, il n’avait plus d’argent. Alors, il dit à sa femme : — Écoute, comme nous n’avons plus de quoi élever nos bêtes, nous allons les manger. Tu vas tuer la cane à Noël, l’oie au premier janvier et moi, je vais tuer Ricochon le jour des Rois. Ainsi nous ferons de bons repas et nous aurons de la viande tout l’hiver. Mais Ricochon, qui fouissait dans le fumier de la cour, avait tout entendu. Il court conter la chose à ses amis. — Venez avec moi, leur dit-il, nous allons nous sauver dans la montagne et nous cacher au fond des bois. Et les voilà partis. Lorsqu’ils ont fait un bout de chemin, dans la forêt, la cane dit : — Ricochon, je suis si lasse, si lasse, que je ne peux plus marcher. — Eh bien déplume-toi, et je vais te faire une petite maison. La cane se déplume, et avec sa plume, de la paille et des bretilles (brindilles) qu’il ramasse, Ricochon lui fait une petite maison. Un peu plus loin, l’oie dit : — Ricochon, je suis si lasse, si lasse, que je ne peux plus marcher. — Eh bien déplume-toi, et je vais te faire une petite maison. L’oie se déplume, et avec la plume, des joncs et des branches, Ricochon lui fait une petite maison. Ricochon marche longtemps, longtemps encore, puis il est si las, si las, qu’il se couche dans le fossé, sous les ronces, et s’endort. Il est réveillé par le bruit d’une voiture et voit passer une charrette pleine de planches. Il la suit, monte derrière et, doucement, il fait glisser la moitié des planches sur la route et prend un sac de pointes sur son dos. Puis il redescend et rassemble tout son butin ; et il se fait une jolie petite maison, bien solide, avec une petite porte, une petite croisée et une petite cheminée. Mais il y avait dans le bois un loup qui savait tout ce qui se passait dans la montagne, et il a su que les bêtes de la ferme étaient installées dans trois petites maisons. Il arrive à la porte de la cane et lui dit : — Cane, cane, ouvre-moi ta porte ou bien Je vais gratter Je vais pétarader, Je vais souffler, Et ta maison va s’écraser. Et la cane répond : — Loup, loup, je n’ai pas peur de toi Tu peux gratter, Tu peux pétarader, Tu peux souffler, Ma maison va rester. Le loup monte sur le toit, il gratte, il pétarade, il souffle et la maison s’écrase. Mais la cane a le temps de se sauver. Elle court bien vite à la porte de l’oie. — Oie, oie, ouvre vite. Le loup veut me manger. L’oie fait entrer la cane et met la barre derrière la porte. Le loup arrive. — Oie, oie, ouvre-moi la porte ou bien Je vais gratter Je vais pétarader, Je vais souffler, Et ta maison va s’écraser. Et l’oie répond : — Loup, loup, je n’ai pas peur de toi Tu peux gratter, Tu peux pétarader, Tu peux souffler, Ma maison va rester. Le loup monte sur le toit, il gratte, il pétarade, il souffle et la maison s’écrase. Mais la cane et l’oie ont le temps de se sauver. Elles courent bien vite à la porte de Ricochon. — Ricochon, Ricochon, ouvre-nous vite. Le loup veut nous manger. Ricochon les fait entrer et remet la barre de la porte. Le loup arrive. — Ricochon, Ricochon, ouvre-moi la porte ou bien Je vais gratter Je vais pétarader, Je vais souffler, Et ta maison va s’écraser. Et Ricochon répond : — Loup, loup, je n’ai pas peur de toi Tu peux gratter et regratter, Tu peux pétarader et repétarader, Tu peux souffler et resouffler, Ma maison va rester. Le loup monte sur le toit, il gratte, il pétarade, il souffle ; et il regratte, et il repétarade, et il ressouffle ; la maison ne bouge pas. Le loup est bien attrapé. — Ricochon, dit-il, je ne voulais pas te faire de mal. Demain matin, je viendrai te chercher et nous irons aux cerises dans l’ouche5 du garde forestier ; rien à craindre, le garde part en tournée avant jour. Mais Ricochon se lève de si bonne heure qu’il est rentré quand le loup frappe à sa porte. — Ricochon, Ricochon, je viens te chercher. — Il y a longtemps que je suis revenu. J’ai rapporté toutes les cerises. Regarde les noyaux qui sont devant la porte. — Ricochon, Ricochon, donne-m’en un peu. Ricochon prend la pelle à feu, la remplit de cendres et de charbons enflammés. — Approche-toi, loup, approche-toi de la croisée et ouvre bien la bouche. Le loup approche en bâillant bien, et Ricochon lui enfourne tout dans la gueule. Il se sauve en toussant, en criant, en crachant. Mais il revient un peu après. — Ricochon, dit-il, je ne t’en veux pas. Demain c’est la foire à Saint-Prix. Je viendrai te chercher pour y aller. Le lendemain, le loup vient très tôt pour ne pas manquer Ricochon. — Ricochon, Ricochon, je viens te chercher pour aller à la foire de Saint-Prix. — Il est parti bien avant jour, lui disent la cane et l’oie. — Bon, je le trouverai en route. Mais Ricochon s’était dépêché. Il avait acheté à Saint-Prix une grande marmite à cuire les pommes de terre et il revenait déjà, il descendait la grande côte de Saint-Prix quand il voit le loup à un tournant. Alors, il fait basculer sur lui la chaudière et attend. Le loup arrive et s’arrête. — Quelle drôle d’affaire ! dit-il. C’est sans doute un siège pour les voyageurs qui sont las. Je vais attendre Ricochon ici6. Il s’assied sur la marmite, attend longtemps, puis il fait pipi sur son siège et repart dans la direction de Saint-Prix. Ricochon rentre chez lui bien vite. Le soir, le loup qui l’a cherché toute la journée frappe à la porte. — Ricochon, Ricochon, je ne t’ai pas vu à la foire. — Moi, je t’ai bien vu, loup. J’étais sous la chaudière sur laquelle tu t’es assis, et tu as fait pipi dessus avant de t’en aller. — Je ne t’en veux pas, Ricochon. Demain, je viendrai te chercher pour te mener au gros poirier qui est vers la cabane des fendeurs et je te ferai manger des bonnes poires de la Saint-Jean. Le lendemain, pour ne pas manquer Ricochon, le loup arrive à sa porte au petit jour. — Ricochon, Ricochon, je viens te chercher pour aller aux poires. — Il vient de partir, disent la cane et l’oie. — Cette fois, je ne vais pas le manquer, pense le loup. Et, en effet, quand il arrive au poirier, il voit Ricochon déjà grimpé dans l’arbre. — Tu ne m’as pas attendu, Ricochon. Mais cette fois, je ne te manquerai pas. — Mange plutôt des poires, dit Ricochon, après nous verrons. Tiens, mets-toi par là. Je vais t’en lancer. Attrape. Il fait mettre le loup dans la direction opposée à sa maison et lance dans sa gueule ouverte une pierre qui lui casse deux ou trois dents. Puis il descend et se sauve. Mais le loup le rattrape tout près de la cabane des fendeurs. — Ricochon, Ricochon, tu as fini de me jouer des tours, je vais te manger. — Je le mérite, mon pauvre loup, je le mérite. Mais ne fais pas trop de bruit, tu attirerais les fendeurs. Tiens, assieds-toi un instant près de moi sur cette souche, pour t’essuyer la bouche avant de me manger. Le loup s’assied près de Ricochon. Mais la souche était fendue et maintenue ouverte par des coins. Ricochon, doucement, met la queue du loup dans la fente, retire les coins et crie : — Au loup ! au loup ! Les fendeurs quittent leur chantier et accourent. Ricochon se sauve, tandis que le loup reste pris par la queue. Il reçoit tant de coups de bûche et de bâton qu’il s’échappe en laissant sa queue dans la souche. Alors, honteux d’être ainsi mutilé et d’avoir été tant de fois trompé par Ricochon, il quitte la montagne du Beuvray pour aller tenir ses quartiers de l’autre côté de la forêt de Saint-Prix, du côté du Grand-Montarnu. Et Ricochon, la cane et l’oie peuvent vivre tranquilles dans leur petite maison. Notes : 4 En patois de Glux, le Ricouessot. Au lieu d’un cochon, dans le Morvan bourguignon et l’Autunois, c’est parfois une truie qu’on appelle la Cochotte, ou la Couchenotte (diminutif de coche, truie) qui est le personnage principal du conte. 5 Ouche, terrain particulièrement soigné et fumé, dans le voisinage des habitations morvandelles, où l’on cultive légumes, blé, chanvre ou autres plantes exigeantes. 6 Dans une version de l’Autunois, Commère la Cochotte revient de Saint-Léger-sous-Beuvray avec une marmite à trois pieds et, de même, se cache dessous en voyant le loup. Celui-ci prend cette coupole surmontée de trois pointes pour une chapelle à trois clochers, s’agenouille et fait une prière avant de continuer.
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