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ZOOM SUR : LE FONDS ANDRÉ JULLIARD

La Direction des Musées Départementaux de l’Ain a mené au début des années 2010 un projet d’édition de livre-audio autour de la littérature orale du Bugey, qui a abouti en 2013 avec la parution de « Le Bugey au creux de l’oreille. Légendes et récits au 20e siècle. ». Ce projet s’est basé en grande partie sur des entretiens réalisés par l’ethnologue André Julliard entre 1979 et 1981 avec des habitants du Bugey. Le fonds présenté ici donne à entendre ce riche matériau d’origine.

Le contexte de l'enquête

André Julliard a réalisé ce travail de collecte entre 1979 et 1981, sous l'impulsion de Jean Cuisenier, alors directeur du Musée National des Arts et Traditions Populaires, qui souhaitait constituer une collection de "Contes et récits populaires". Alors étudiant en ethnologie, travaillant sur les guérisseurs en Bresse et Bugey, André Julliard est chargé par son professeur d'aller enquêter les récits populaires du Bugey. Il envoit un courrier à toutes les mairies du territoire, et recueille un grand nombre de noms d'informateurs potentiels.

Malheureusement, l'ouvrage sur les Contes et Récits populaires du Bugey ne verra jamais le jour, et André Julliard n'a pas pu consacrer autant de temps à cette enquête qu'il l'aurait souhaité. Ainsi, alors que la méthode ethnologique aurait impliqué de multiplier les rencontres avec les informateurs, il n'a pu les rencontrer qu'une fois chacun.

Malgré l'echec du projet éditorial, il résulte de ce travail de jeunesse un corpus d'une dizaine d'heures d’entretiens auprès d’habitants du Bugey. Ce fonds donnent à entendre des éléments très intéressants sur leur environnement, leur savoir-faire et surtout sur ce qu’André Julliard appelle le monde « non-visible ».

Le Bugey non-visible

L'ethnologue définit le monde non-visible d’un territoire comme ce que l’on peut percevoir à travers des récits de légendes, de contes, ou encore d’histoire locale. Parmi les hommes et femmes qui se sont entretenues avec André Julliard au début des années 80, aucun(e) n’est conteur(se). Aucun.e n'a par exemple évoqué de veillées avec des conteurs. Ces récits sont transmis essentiellement dans un contexte festif, à l'occasion de mariages, de banquets, ou de fêtes patronales comme la Saint-Vincent ou la Saint-Antoine.

Ces récits sont pour certains imprégnés d'une histoire plus ou moins locale, et mobilisent des figures historiques telles que l'assassin-vagabond Joseph Vacher (voir par exemple ici  ou ) ou le contrebandier Louis Mandrin (écouter cette enquête). Ces personnages historiques, largement mythifiées, sont systématiquement intégrés dans un récit familial et liés à l'environnement direct des informateurs.

On trouve également des récits plus construits dans ces entretiens. C’est le cas pour les figures comme celles du sarvan, domestique maléfique, ou du géant Gargantua (que l'on retrouve également dans certaines enquêtes de Charles Joisten dans le Dauphiné), qui traduisent une certaine lutte des classes pour l’un, une réalité agricole pour l’autre, propres au territoire bugiste du XXe siècle.


Enfin, l’un des éléments les plus importants du monde non-visible mis en lumière par André Julliard est la présence de la sorcellerie. On le trouve dans les récits de contes comme celui de la « Pèl Blanc », dans les conversations sur les guérisseurs et rebouteux, et même dans les discussions autour des plantes médicinales.

Ecouter le récit de la "Pèl Blanc" par Hélène Maillet (à partir de 13'51)

Le Bugey au creux de l'oreille

Au début des années 2010, la Direction des Musées Départementaux de l'Ain a souhaité valoriser ce fonds sonore dans un projet de livre-disque réunissant une conteuse (Elisabeth Calandry), une musicienne (Gentianne Pierre), un designer sonore (Fabrice Faltraue) et un illustrateur (David Pellet). Pour mener à bien ce travail de réappropriation et de réactualisation de cet héritage, chaque acteur a été amené à s'imprégner des sources brutes enregistrées par André Julliard, avant de s'engager dans un travail de terrain dans les lieux dans lesquels ces récits prennent corps.

Lors des réunions préparatoires à l'édition de l'ouvrage "Le Bugey au creux de l'oreille", André Julliard insistait auprès de la Direction des Musées Départementaux de l'Ain contre l'écueil de la patrimonialisation de ces récits. L'enjeu, disait-il, était de faire comprendre aux lecteurs et aux auditeurs que les les récits qu'il a collecté voici maintenant près de 40 ans sont en perpétuel mouvement.

Il s'agissait pour lui de ne surtout  pas figer ces paroles. Certes, le territoire et les récits qui forment l’imaginaire de ses habitants ont changé. Cependant selon André Julliard, les légendes que l’on trouve sur internet trouvent souvent leur origine dans des récits plus anciens, signifiant par-là que tous ces récits ne sont jamais figés et évoluent constamment en fonction de l’environnement dans lequel ils s’inscrivent.

La mise en accès du fonds André Julliard participe, près  de 40 ans après sa constitution, de cette volonté d'offrir en partage ce patrimoine oral.

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